Vous avez mené une étude sur la fragilité des personnes âgées. Quelles ont été vos observations principales ?

Nos travaux ont été réalisés sur deux territoires : dans le Cantal, en milieu rural, et dans la ville de Vichy en Auvergne. Alors qu’il s’agissait d’un public sans affections de longue durée (NDLR : AVC, Parkinson, Alzheimer, etc), nos résultats se sont avérés alarmants. Sur 105 répondants âgés de 65 ans et plus, 103 présentaient au moins une fragilité sur les 17 composantes analysées !

Les personnes vivant en milieu rural pratiquent plus d’activité physique de faible intensité que leurs homologues urbains. Cela peut se comprendre, puisqu’elles vivent dans des espaces plus grands, nécessitant davantage de déplacements. Cependant, elles affichent un plus grand nombre de fragilités par individu, en raison notamment d’un accès plus difficile aux professionnels médicaux et paramédicaux. Certains m’ont confié qu’ils devaient parcourir des dizaines de kilomètres pour voir un ophtalmologue.

Qu’en est-il des problématiques de sédentarité ?

Un tiers des répondants passent plus de 8 heures par jour assis, une durée qui a augmenté ces dernières années. La problématique des écrans se pose aussi pour les personnes âgées, qui sont très adeptes des réseaux sociaux !* A noter que la sédentarité peut être à la fois la cause et la conséquence de fragilités. Une personne souffrant de troubles de l’audition, par exemple, a plus de difficultés à nouer des relations sociales. L’isolement qui en découle favorise la sédentarité, qui elle-même peut entraîner d’autres fragilités.

Je précise que les entretiens ont eu lieu en 2021 et 2022, au lendemain du Covid-19. Pendant la pandémie, les personnes vulnérables ne pouvaient pas sortir. Certaines ont eu du mal à retrouver leurs habitudes de mobilité.

Avez-vous identifié des écarts entre hommes et femmes ?

44 participants ont accepté de porter, pendant une semaine, un petit boîtier à la taille afin que nous puissions analyser leurs déplacements. Il en ressort que les hommes sont plus sédentaires que les femmes. Cela pourrait s’expliquer par les tâches domestiques dont ils ont tendance à moins s’occuper.

Quelle a été votre principale surprise dans cette étude ?

Je me souviens de cette femme de 65 ans qui semblait en bonne santé, mais pour qui nous avons identifié de nombreuses fragilités : troubles cognitifs, psychologiques, risques cardiovasculaires, etc. Cela m’a d’autant plus étonnée que c’était une ancienne infirmière. Il est important de faire des dépistages réguliers, car l’apparence peut être trompeuse.

Les médecins généralistes doivent être formés à la prévention. Le problème, c’est qu’ils sont trop peu nombreux et n’ont pas le temps de se consacrer à ce sujet. Il faudrait qu’ils puissent systématiquement orienter leurs patients vers les bons spécialistes.

Quelles recommandations donneriez-vous aux personnes âgées ?

Les mêmes qu’aux autres adultes ! L’Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps) recommande de se lever pour marcher à raison d’une minute toutes les heures ou de 5 à 10 minutes toutes les 90 minutes. A cela s’ajoutent 2h30 par semaine d’activité physique d’intensité modérée, ou bien 1h15 d’intensité vigoureuse.

*NDLR : d’après la société Digimind, 35 % des utilisateurs de Facebook ont 50 ans et plus.